L'Ocytocine

 

 

L'Ocytocine

 

INTRODUCTION :

Les hormones sont des molécules synthétisées par des organes spécialisés appelés glandes endocrines et sécrétées dans la circulation sanguine. L'hormone, véhiculée par le sang, agit sur un ou plusieurs organes cibles dans lesquels préexistent des récepteurs spécifiques pouvant répondre à sa présence. L'ocytocine, appelée aussi oxytocine, est un polypeptide formé de neuf acides aminés. Elle est synthétisée au niveau des noyaux supra-optiques et paraventriculaires de l'hypothalamus, et transportée puis stockée dans des grains de sécrétion. Cette hormone stimule les contractions de l’utérus chez la femme enceinte et accélère le travail de l'accouchement. Elle stimule également la contraction des cellules myoépithéliales (constituées de fibres musculaires et de tissus). La posthypophyse  la libère dans la circulation sanguine.

 

I/ Hormone neurohypophysaire :

La neurohypophyse ou posthypophyse possède deux hormones présentant de grandes analogies structurales : l'hormone antidiurétique (ADH) ou vasopressine et l'ocytocine (OT). Il s'agit en effet dans les deux cas de peptides de 9 ou 10 acides aminés dont la structure générale est restée extrêmement conservée chez les vertébrés.

                         1/ Découverte de l’ocytocine :

            En 1906, Dale mit en évidence une contraction de l’utérus induite, in vivo et in vitro, par un extrait de lobe postérieur d’hypophyse, la substance active fut dénommée ocytocine. Des études biochimiques ultérieures montrèrent que les hormones neurohypophysaires sont bien au nombre de deux, la vasopressine ou ADH et l’ocytocine, et qu’elles présentent de grandes analogies structurales. 

                        2/ Nature et structure :

             Ce sont aux travaux des équipes de Du Vigneaud aux EU et de Acher et Chauvet en France que l’on doit l’essentiel des connaissances actuelles sur la structure des hormones neurohypophysaires. L’ocytocine (OT) est un nonapeptide d’un poids moléculaire d’environ 1000, dont une extrémité est formée par une boucle de 6 a.a. refermée sur elle-même par un pont disulfure (S-S) entre deux cystéines, à laquelle s’ajoute une queue de 3 a.a. à l’extrémité C-terminale.

 Structure de l’ocytocine : chez les mammifères et les oiseaux (voir diapositives)  

L’ocytocine a une structure très voisine de celle de la vasopressine puisque les différences ne portent que sur deux a.a.

Ces changements d’a.a. modifient :

Ø la configuration spatiale

Ø les propriétés biologiques

Plusieurs nonapeptides proches de l’ocytocine ont été caractérisés chez les vertébrés les plus primitifs.

                         3/ Origine :

L’injection d’extraits hypothalamiques préparés à partir de fragments prélevés dans la région des NPV et/ou NSO entraîne une activité antidiurétique et des propriétés spécifiques de l’ocytocine sur l’utérus et la glande mammaire.

Les études immunocytochimiques ont montré que l’OT est présente principalement dans des neurones magnocellulaires des NSO et des NPV. Les fibres ocytocinergiques qui en dérivent se projettent dans l’éminence médiane, la neurohypophyse et d’autres secteurs du SNC.

            Le système hypothalamo-hypophysaire est représenté par le tractus supraoptico-hypophysaire et le tractus paraventriculo-hypophysaire. Ils prennent leur origine au niveau du noyau supra-optique (1) et du noyau paraventriculaire (2). Les fibres traversent la tige hypophysaire et atteignent le lobe postérieur de l’hypophyse où elles se terminent au contact de capillaires. Les hormones produites dans les neurones des deux noyaux hypothalamiques migrent vers les terminaisons axonales au niveau desquelles elles sont déversées dans le sang. La stimulation électrique de la région du NSO entraîne une sécrétion accrue de vasopressine ; la stimulation électrique de la région du NPV provoque une sécrétion accrue d’OT.

            4/ Biosynthèse et sécrétion :

                        a/ biosynthèse :

            L’OT est synthétisée dans les neurones hypothalamiques sous la forme d’un précurseur nommé « préproocytocine ». Ce précurseur possède, à la suite du peptide signal, deux domaines correspondant respectivement à l’OT, et à un polypeptide associé : OT-neurophysine I, dont l’ OT se détache au cours de la migration axonale des grains de sécrétion. La neurophysine est une protéine de transport d’un poids moléculaire de 10 000. Les neurophysines peuvent, malgré leur taille, être libérées dans le sang et interférer avec certaines propriétes des hormones elles-mêmes.

                        b/ sécrétion :

            L’arrivée de salves de P.A induit une dépolarisation membranaire qui provoque un influx de Ca++ déclenchant la libération d’OT par les terminaisons buldiformes. Au niveau des zones de contacts entre axones et capillaires, le revêtement glial des parois capillaires fait défaut, et cela permet la pénétration des neurosécrétions dans le sang. La sécrétion d'ocytocine est augmentée par stimulation du col utérin, du vagin, du sein, et est diminuée par la prise d'éthanol, ce qui explique que l'alcool ait pu être utilisé autrefois comme tocolytique en cas de menace d'accouchement prématuré.

 

II/ Les effets biologiques de l’OT :

                     1/ sur la parturition :

            Les agents contracturants les plus puissants sont l’OT et les prostaglandines :

Ø augmentent la fréquence et la durée des salves de P.A.

Ø augmentent l’amplitude des potentiels

Ø augmentent la contracture tonique

 

Mode de fonctionnement de l’OT sur l’utérus :

Ø l’OT augmente la force et la fréquence des contractions en élevant la concentration de Ca2+ intracellulaire dans les cellules myométriales en augmentant l’influx de calcium via les canaux calciques et en inhibant l’activité de l’enzyme ATPase Ca++ Mg++ dépendante responsable de l’expulsion des ions Ca++ hors de la cellule.

Son efficacité augmente au cours de la gestation car l'utérus devient de plus en plus sensible à sa présence. Le nombre de récepteurs à l'ocytocine de l'utérus en fin de gestation est 200 fois plus élevé que celui de l'utérus non gravide. Par ailleurs, les cellules musculaires lisses de l'utérus qui, en dehors de la grossesse, se contractent faiblement et d'une manière asynchrone établissent en fin de grossesse, sous l'influence des estrogènes, de la progestérone et des prostaglandines, des jonctions fonctionnelles par l'intermédiaire de connexines, ce qui leur permet de se contracter d'une manière synchrone.

Elle a ce rôle important dans l’initiation et le déroulement du travail au terme de la gestation, en association avec d’autres hormones (prostaglandines).

 

Ø de plus, une fois liée à son récepteur, elle induit une augmentation du taux intracellulaire d’IP3 qui entraîne, après fixation sur son récepteur localisé sur les membranes intracellulaires (REL ou sarcoplasmique) une élévation des ions Ca++ séquestrés dans le RE. Le mécanisme qui transduit un signal hormonal superficiel jusqu’au RE a été élucidé au début des années 1980 ; il a été montré que l’accroissement du taux de Ca++ cytosolique est précédé de l’hydrolyse d’un phospholipide membranaire particulier, le phosphatidylinositol 4,5 biphosphate (PIP2), un des nombreux phospholipides à inositol présents dans le feuillet cytoplasmique de la membrane plasmique.

L’hydrolyse de ce phospholipide par une enzyme membranaire, la phospholipase C (PLC), produit deux composés importants : le 1,2 diacylglycérol (DAG) qui reste ancré dans la membrane et l’inositol 1,4,5 triphosphate (IP3) qui est hydrosoluble. L’ocytocine stimule l’activité de la PLC et la production consécutive d’IP3 en se fixant sur un récepteur couplé à une protéine G. Une fois produit, l’IP3 diffuse vers la surface du RE et se lie à un récepteur particulier, une conductine à calcium composée de quatre protomères identiques pourvus chacun d’un site de fixation à IP3. L’IP3 une fois fixé provoque l’ouverture du tunnel permettant aux ions Ca++ de passer du RE au cytosol. Dans la seconde qui suit sa formation, l’IP3 est en majeure partie hydrolysé en inositol 1,4 biphosphate, molécule elle même sans effet sur la libération d’ions Ca++ par le RE. Cette réaction met fin à l’efflux d’ions Ca++, sauf si la phospholipase C continue à produire de l’inositol 1, 4,5 triphosphate.

 

Tous ces effets conduisent à l’augmentation de la concentration intracellulaire du Ca++ et induisent une contraction.

De ce fait, l’OT est utilisé pour déclencher les accouchements. Certains antagonistes spécifiques de l’OT arrivent à réduire, voir supprimer les contractions (pour éviter un accouchement prématuré).

                   2/ autres :

                        L’ocytocine :

Ø a un rôle biologique principale qui s’exerce sur les cellules myoépithéliales qui enchâssent les acini de la glande mammaire ; leur contraction expulse le lait des alvéoles vers les canaux excréteurs du sein en lactation.

Ø présente dans le sang porte-hypophysaire et la neurohypophyse stimule directement la sécrétion de prolactine (PRL) qui intervient dans l’élaboration des constituants du lait par les cellules acineuses. (schéma : immunoneutralisation passive de l’OT endogène retarde et atténue l’élévation de la prolactinémie induite par la tétée. Au cours de l’allaitement, l’augmentation des taux plasmatiques de l’OT est parallèle à celle de la PRL.)

Ø sur l'appareil cardiovasculaire : à doses élevées, elle a une action vasodilatatrice.

Ø sur le système nerveux : dans certaines espèces animales, il a été démontré que l'ocytocine améliore le comportement maternel, elle aurait de plus un effet de type amnésiant.

Ø chez différentes espèces non mammaliennes comme les amphibiens, l'ocytocine a des effets similaires à l'hormone antidiurétique, augmentant rapidement la perméabilité à l'eau de la peau et de la vessie. Elle stimule également le transport actif de sodium au niveau de ces épithélia.

 

Expérience : l’OT injectée dans les ventricules cérébraux d’une rate vierge, provoque un comportement maternel caractéristique (confection d’un nid, regroupement, recouvrement, léchage,…).

Les neurophysines circulantes (NPI), associées à l’OT n’ont pas d’activité biologique connue.

 

III/ Les récepteurs à ocytocine :

            Les récepteurs à ocytocine sont couplés à la protéine G et utilise en tant que second messager l’IP3.

            Dans les tissus cibles mammaliens, l’OT exerce son action en utilisant le Ca++ intracellulaire comme 2nd messager, avec sans doute la phospholipase C comme enzyme intermédiaire. Ce mécanisme n’est pas surprenant dans la mesure où l’effet hormonal implique une contraction des muscles lisses.

            Les peptides neurohypophysaires stimulent également le transport actif de Na+ à travers la peau et la vessie isolées. Ce transport s’effectue du côté muqueux (externe) vers le côté séreux (interne). Il est à noter que l’OT est ici attachée à une fonction indépendante de la reproduction.

 

IV/ contrôle de la sécrétion d’ocytocine :

                        1/ le réflexe d’éjection du lait :

L’éjection du lait est provoqué par un réflexe neuro-endocrinien.

ØLa traction du mamelon au cours de la tétée ou de la traite active les récepteurs sensoriels qui sont à l’origine d’influx nerveux centripètes qui gagnent la moelle puis le cerveau via les fibres somato-sensible spino thalamiques.

Les influx atteignent les neurones ocytocinergiques des NPV et NSO.

ØLes neurones à OT des NSO présentent alors une activité synchrone, caractérisée par des bouffées de P.A. de haute fréquence (80 à 100/s) et de durée brève (3 à 4 s) .

ØAprès un temps de latence variable selon les espèces, il y a sécrétion d’OT par les terminaisons nerveuses de la neurohypophyse.

La libération d’OT dans la circulation sanguine au cours de la tétée est Ca++ dépendante, pulsatile, massive et brève.

Ø l’OT se fixe sur des récepteurs membranaires et via une augmentation de la concentration en Ca++ cytosolique induit une contraction des cellules myoépithéliales des alvéoles et des canaux galactophores.

Ø cela provoque l’augmentation de la pression intra mammaire, responsable de l’éjection du lait.

L’activité synchrone des neurones à ocytocine paraît être la conséquence de remaniements structuraux réversibles qui s’opèrent dans des noyaux hypothalamiques en fin de gestation et au cours de la lactation jusqu’au sevrage.

Chez une rate au repos (ni en gestation, ni en lactation) les cellules à OT sont séparées les unes des autres par des  cellules gliales et ont peu de contacts entre elles. En fin de gestation, une rétraction de la glie permet l’établissement de nombreux contacts entre neurones ocytocinergiques voisins. La conséquence fonctionnelle est une synchronisation de l’activité des neurones à OT au cours de l’allaitement.

Dans les NSO, il existe des contacts synaptiques entre des terminaisons nerveuses à OT et des neurones ocytocinergiques : ce qui permet la libération de cette neurohormone dans l’hypothalamus. L’OT exerce un effet facilitant sur sa propre sécrétion au niveau hypothalamique et neurohypophysaire : c’est un effet feedback positif. Ce mécanisme fonctionne quand il y a des décharges phasiques d’OT induite par la tétée et la libération d’OT à l’intérieur du cerveau permet une plasticité neuronale en période de lactation. Ceci est observable lorsque l’on injecte de l’OT par perfusion chronique dans les ventricules du cerveau d’une rate en dehors de la période de lactation.

                   2/ stimulation du tractus génital :

                                    2.1/ femelle :

                                       a/ par l’ocytocine neurohypophysaire :

La parturition est à l’origine d’une libération d’OT dont l’importance varie selon l’espèce. La sécrétion d’OT (décharge d’OT hypothalamique et élévation subite du taux plasmatique) au cours du travail est déclenchée et entretenue par un réflexe neuroendocrinien : réflexe de Ferguson, dont l’origine est la dilatation du col et la descente du fœtus. L’augmentation du nombre de récepteurs à OT dans le myomètre, dans les heures qui précèdent l’accouchement, rend l’utérus particulièrement sensible à cette hormone neurohypophysaire.

Expérience chez la rate : changement du taux circulant de progestérone et oestradiol qui survient à terme augmente le nombre de récepteurs à ocytocine.

                                               b/ par l’ocytocine non neurohypophysaire :

            Le corps jaune qui est un organe endocrine, est formé de cellules lutéales (qui se développent à partir des assisses du follicule ovarien) possédant un noyau sphérique, des RE, des mitochondries, des granules de sécrétion contenant de l’OT. L’OT a été identifiée dans le corps jaune de lapine, rate, truie, chèvre et femme. Chez les ruminants, le corps jaune contient une très forte concentration d’OT qui est très supérieure à celle mesurée dans le corps jaune des primates. L’OT est synthétisée localement dans les cellules lutéales : ce n’est pas une captation de l’OT-neurophysine hypophysaire circulante à partir du compartiment sanguin.

L’acide arachidonique, les prostaglandines, leucotriènes altèrent la fonction lutéale en affectant la sécrétion d’OT.

                     c/ rôle de l’OT dans le corps jaune :

            L’OT agit comme un médiateur important dans la régulation de la synthèse de progestérone :

Ø diminution de la sécrétion de progestérone

Ø diminution de la durée de vie du corps jaune (régression fonctionnelle et morphologique du corps jaune cyclique : lutéolyse)

Ø l’OT régule la motricité du tractus génital femelle lors du transit des gamètes.

                                 2.2/ mâle :

            Les cellules myoïdes péritubulaires (entourant les tubes séminifères) se contractent régulièrement sous l’action de l’OT dont la production chez l’homme, porc, rat est assurée localement par les cellules de Leydig. Cela permet l’expulsion vers les voies du rete testis et de l’épididyme des spermatozoïdes libérés dans la lumière des tubes séminifères.

                        3/ neurotransmetteurs et libération de l’ocytocine :

            Implication de plusieurs neurotransmetteurs dans la libération de l’ocytocine :

L’acétylcholine, la dopamine, la noradrénaline via des récepteurs a adrénergiques ont un effet stimulant.

Les opiacées, le GABA et la noradrénaline via les récepteurs b inhibent la sécrétion d’ocytocine.

 

V/ Utilisation :

L'ocytocine est utilisée en perfusion intraveineuse dans les indications suivantes :

· L'induction des contractions utérines pour l'accouchement, en absence d'obstacle à l'accouchement par les voies naturelles, avec col utérin dilaté à trois ou quatre centimètres.

· La quantité d'ocytocine nécessaire pour déclencher des contractions efficaces est très variable d'une personne à l'autre.

.  Parfois en cas d'hémorragie utérine après la délivrance.

 

VI/ Dosage :

            L’OT se dose par les méthodes radio ou enzymo-immunologiques. Son taux circulant est de l’ordre de 10-11 M, bien que sujet à d’amples variations dues au stress. La correspondance entre l’unité pondérale et l’unité biologique est de 500 U/mg. La durée de vie de l’hormone radioactive introduite dans le sang est courte : 2 min., indiquant un renouvellemant rapide.

La demi-vie de l’OT dans le plasma est de cinq à dix minutes. Elle est éliminée par le rein et dégradée par une aminopeptidase ou ocytocinase.

 

Retour en haut de page