La Sérotonine

 

 

La Sérotonine

 

INTRODUCTION :

                En 1935, Erspamer montre l’existence d’une substance capable de contracter les muscles lisses ; l’ayant trouver dans l’intestin, elle fut nommée entéramine. En 1948, le groupe de Rapport détecte un tel facteur dans le sérum du sang et l’appelle : sérotonine. L’année suivante, il l’identifie comme étant la 5-hydroxytryptamine (5-HT). C’est en 1953 que Twerg et Page démontrent que cette amine est aussi un neurotransmetteur du cerveau des mammifères. Depuis, de nombreux rôles lui ont été découvert.

 

I/ Métabolisme :

                   1/ biosynthèse :

La biosynthèse de la 5-HT a lieu dans le foie, le tractus gastro-intestinal, le cerveau et dans différents types cellulaires tels que les cellules entérochromaffines, les neurones…

La sérotonine ou 5-hydroxytryptamine est synthétisée à partir du L-tryptophane. La quantité de tryptophane ingérée quotidiennement est comprise entre 0,5 et 1g ; l'apport minimum nécessaire serait de l'ordre de 200 mg/jour dont seule une faible partie est transformée en sérotonine. En effet, outre la voie métabolique conduisant à la sérotonine, le tryptophane est utilisé dans la synthèse des protéines et transformé en acide nicotinique. La sérotonine ou 5-hydroxytryptamine (5-HT) est synthétisée à partir du tryptophane, acide aminé neutre qui provient de l'alimentation et passe la barrière hémato-encéphalique. La disponibilité du tryptophane est un facteur limitant de la synthèse de la 5-HT. Elle dépend des variations circadiennes de la concentration en tryptophane dans le sang (discontinuité des repas) et de la concentration sanguine des autres aminés neutres (tyrosine, phénylalanine) qui entrent en compétition avec le tryptophane au niveau du transporteur. Le tryptophane est ensuite hydroxylé en 5-hydroxytryptophane (5-HTP) par la tryptophane hydroxylase (TP-OH), enzyme cytoplasmique inhibée par la parachlorophénylalanine (PCPA). Le 5-HTP est enfin décarboxylé pour donner la 5-HT.

 

La transformation du tryptophane en sérotonine comporte deux étapes :

1/ Hydroxylation en 5-hydroxytryptophane sous l'influence de la tryptophane hydroxylase qui est l'étape limitante de la synthèse. Le fonctionnement de l'enzyme nécessite la présence de tétrahydrobioptérine, d'oxygène, du NADPH2 et d'un métal, fer ou cuivre.

2/ Décarboxylation du 5-hydroxytryptophane en sérotonine sous l'influence de la décarboxylase des acides aminés L-aromatiques, en présence de pyridoxal-phosphate.

 

Dans le cerveau, la synthèse de sérotonine dépend de la quantité de tryptophane qui y pénètre à travers la barrière hémato-encéphalique. Seul le tryptophane plasmatique libre, c'est-à-dire non lié à l'albumine, pénètre dans le cerveau; la diminution du pourcentage de forme libre réduit donc sa pénétration. De plus, d'autres acides aminés sont en compétition avec le tryptophane libre et limitent son entrée dans le cerveau. Le cortisol plasmatique, qui est augmenté chez les déprimés, diminue les concentrations de L-tryptophane et de L-tyrosine libres dans le plasma, c'est-à-dire les formes susceptibles de pénétrer dans le cerveau. L'insuline, dont la sécrétion est augmentée par les glucides, a un effet inverse en abaissant la concentration des acides aminés autres que le tryptophane.  

Biosynthèse de la sérotonine et de la mélatonine

 

            La transformation de la sérotonine en mélatonine, qui ne doit pas être considérée comme une dégradation car la mélatonine est également active, s'effectue essentiellement dans la glande pinéale ou épiphyse.

 

 Elle comporte aussi deux étapes :

1/ Acétylation de la fonction amine par la N-acétyl transférase qui conduit à la N-acétyl-sérotonine.

2/ Méthylation du groupe OH en 5 par l'hydroxyindol-O-méthyltransférase qui catalyse le transfert d'un groupe méthyl à partir de la S-adénosyl-méthionine.On obtient ainsi l'acétyl-5-méthoxytryptamine ou mélatonine.

 

            La concentration de mélatonine dans la glande pinéale présente des variations circadiennes : elle suit les variations de l'activité N-acétyl transférase, augmente pendant la nuit et s'abaisse pendant la journée, l'obscurité et la lumière jouant le rôle de régulateur par l'intermédiaire des catécholamines. Le mécanisme de cette régulation est indiqué ci-après :

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Activation de la biosynthèse de mélatonine

 

La régulation de la biosynthèse est assez mal connue. Compte tenu du fait que la concentration cérébrale en tryptophane est le facteur limitant de la synthèse, le système de transport actif pour cet aminoacide dans les neurones sérotoninergiques pourrait être le site d’intervention de facteurs de la régulation. Bien qu’un mécanisme de feed-back négatif ait été décrit, comme dans le cas de la biosynthèse centrale des catécholamines, mais avec un seuil de déclenchement beaucoup plus élevé, de fortes concentrations en 5-HT sont incapables de ralentir aussi bien la vitesse d’entrée du tryptophane que l’activité tryptophane hydroxylase d’un homogénat de cerveau. Des données (A. Tagliamonte et al., 1971) semblent en faveur de l’intervention de l’AMP cyclique trouvé en grande quantité dans le cerveau; celui-ci serait capable d’y augmenter, in vivo et in vitro, l’accumulation de tryptophane et, par suite, la synthèse de 5-HT. En outre, les fluctuations du métabolisme de la 5-HT dans le système nerveux central au cours du nycthémère dépendraient directement de modifications qui concernent d’abord le système de transport actif du tryptophane dans les cellules.

        Certaines situations conduisent à des changements spécifiques de l’activité de la tryptophane hydroxylase. En particulier, les corticostéroïdes, en activant la néosynthèse de l’enzyme, peuvent être responsables de l’augmentation de la synthèse cérébrale de 5-HT au cours de certains stress.

         Enfin, il a été montré que des changements de la fréquence des potentiels d’action dans les neurones sérotoninergiques centraux pouvaient retentir sur la vitesse de biosynthèse de la 5-HT dans le cerveau. Le mécanisme impliqué semble faire intervenir une réaction de phosphorylation de la tryptophane hydroxylase déclenchée par l’entrée de Ca2+ dans les terminaisons au moment de l’arrivée de l’onde de dépolarisation.

 

Sécrétion :

         L'arrivée du potentiel d'action (PA) dans la terminaison nerveuse permet une entrée de calcium. Ce calcium va permettre la libération de la sérotonine dans la fente synaptique. Une partie de la sérotonine libérée va agir sur les récepteurs post-synaptiques, permettant ainsi le transfert de l'information d'un neurone à l'autre. La sérotonine restante va (1) soit être dégradée (2) soit être recaptée dans le neurone par l'intermédiaire d'un transporteur pour être recyclée. Ainsi, la sérotonine contenue dans la fente synaptique diminue- ce qui stoppe la transmission du message nerveux. Si elle est contenue en trop grande quantité dans la fente synaptique, la sérotonine agit sur ses auto-récepteurs spécifiques - présents sur les terminaisons de l'axone et sur les corps cellulaires des neurones et de leurs dendrites. L'activation de ces auto-récepteurs inhibe la synthèse de la sérotonine (boucle de rétrocontrôle négative).

 

                   2/ distribution :

La sérotonine est présente :

- La banane, la tomate, l’avocat, etc. contiennent de la 5-HT; les quantités qui sont accumulées chez certaines espèces végétales peuvent d’ailleurs être relativement importantes (150 mg/g dans la peau de banane).

- La 5-HT a été mise en évidence chez certaines espèces d’invertébrés, telles que l’escargot ou l’aplysie, au sein de gros neurones. Ces cellules géantes, qui ressemblent beaucoup aux neurones sérotoninergiques du système nerveux central des Mammifères, constituent une préparation de choix pour les neurobiologistes.

- Le tractus gastro-intestinal des Mammifères est l’ensemble organique le plus riche en sérotonine (95% du total de l’organisme), d’où le terme d’entéramine. Elle est localisée dans les cellules entérochromaffines, qui sont pourvues de l’équipement enzymatique nécessaire à sa synthèse à partir du tryptophane. Mais on la trouve encore dans le foie, les poumons, la rate, les reins, la glande pinéale et les glandes endocrines. Dans le sang, il semble que la 5-HT soit surtout localisée dans les thrombocytes ou plaquettes (500 mg/g chez le lapin); certains auteurs l’ont d’ailleurs appelée «thrombocytine». Les thrombocytes, dépourvus des enzymes de synthèse, possèdent en revanche un système de capture et d’accumulation de la sérotonine. Les mastocytes sont parmi les types cellulaires les plus riches en 5-HT (800 mg/g chez le rat).

- Enfin, la sérotonine est présente dans le système nerveux central et plus particulièrement dans le tronc cérébral où la teneur est plus élevée que dans le cortex, l’hypothalamus (2 mg/g), l’ensemble des aires limbiques et la région lombosacrée de la moelle. Les neurones qui contiennent de la sérotonine (neurones sérotoninergiques) ont leurs péricaryons localisés dans le tronc cérébral, leurs fibres axonales ascendantes au sein du faisceau médian du télencéphale, leurs terminaisons synaptiques dans l’hypothalamus (noyau suprachiasmatique), le noyau caudé, le septum, la zona reticulata du locus niger, etc. (Les péricaryons, visualisés par histochimie de fluorescence, sont groupés en neuf noyaux situés d’arrière en avant dans la zone médiane du bulbe mésencéphale (région du raphé). La sérotonine, libérée par les neurones sérotoninergiques au niveau des fentes synaptiques est, en grande partie, recaptée par eux.

- Dans les terminaisons synaptiques, la 5-HT est surtout localisée dans des granules ou vésicules synaptiques. Au niveau de la membrane présynaptique et des vésicules existent des systèmes de capture qui permettent le transport actif et le stockage de l’amine.

- Dans les plaquettes sanguines : pratiquement toute la sérotonine du sang (concentration allant de 100 à 200 synthétisent pas, mais la fixent à partir du plasma où elle est libérée par les cellules entérochromaffines. La capture de la sérotonine par les plaquettes est très rapide. La demi-vie de la sérotonine dans les plaquettes est du même ordre que celle des plaquettes, c'est-à-dire de cinq ou six jours. La sérotonine plaquettaire peut être libérée dans le plasma et avoir un effet relativement localisé au niveau des vaisseaux où elle a été libérée, par exemple dans le cas de la migraine.

 La demi-vie de la sérotonine (temps au bout duquel 50% de la sérotonine a été renouvelée ou turn-over) est longue dans les plaquettes et l'intestin, et très courte, quelques minutes, dans le cerveau.

Sérotoninémie : 0.10 à 0.30 µg/ml (son taux est considérablement élevé chez les carcinoïdes du grêle)

            La mélatonine présente dans le plasma est libérée par la glande pinéale. Sa concentration plasmatique s'abaisse au cours du vieillissement.

 

3/ Catabolisme :

La sérotonine est transformée en molécules inactives par biotransformations :

 

a.  désamination oxydative de la chaîne aminée latérale sous l'influence de la monoamine oxydase, ce qui conduit au 5-hydroxy-indol-acétaldéhyde qui est ensuite oxydé en acide 5-hydroxy-indol-acétique (5-HIAA) que l'on trouve dans les urines à des quantités normalement inférieures à 10 mg/24 h.

 

b.  conjugaison du groupe OH en 5 par l'acide glucuronique ou le sulfate.

 

c.  Une autre voie catabolique pour la 5-HT existe dans les pinéalocytes de la glande pinéale, ou épiphyse. L’amine, synthétisée à partir du tryptophane, est acétylée par une enzyme spécifique: la N-acétyltransférase, enzyme dont l’activité dépend étroitement de la photopériode. L’acétylcoenzyme A fournit le groupement acétate. La N-acétylsérotonine est ensuite méthylée par l’hydroxyindole-0-méthyle transférase. Le produit formé, la N-acétyl 5-méthoxytryptamine, est encore appelé mélatonine.

 

II/ Les récepteurs :

La connaissance des récepteurs de la sérotonine est en pleine évolution et il n'est guère possible de systématiser les effets correspondant à la stimulation des divers types de récepteurs sérotoninergiques qui sont nombreux. Il y a 7 familles principales: 5-HT1 (5-HT1A, 5-HT1B, 5-HT1D, 5-HT1E, 5-HT1F), 5-HT2 (5-HT2A, 5-HT2B, 5-HT2C), 5-HT3, 5-HT4, 5-HT5, 5-HT6, 5-HT7. Ces récepteurs sont localisés au niveau présynaptique et au niveau postsynaptique.

            Les récepteurs sérotoninergiques sont liés aux protéines G sauf le récepteur 5-HT3 qui est un récepteur canal, perméable aux cations.

            Comme les autres médiateurs la sérotonine libérée dans la fente synaptique est en grande partie recaptée par les terminaisons présynaptiques grâce à un transporteur spécifique qui présente un assez grand polymorphisme génétique.

 

            Famille des récepteurs 5HT1 :

Récepteurs 5HT1A : Les récepteurs 5HT1A ont un intérêt particulier puisqu'ils sont à la fois des autorécepteurs localisés sur les corps cellulaires sérotonergiques où leur rôle est essentiellement inhibiteur de l'activité électrique de ces neurones et donc permettent la réduction de la libération du neurotransmetteur ; ils sont aussi des récepteurs postsynaptiques présents sur les corps cellulaires de neurones nonsérotonergiques où ils ont des effets fonctionnels qui, en particulier, affectent le comportement.

Récepteurs 5HT1B : Les récepteurs 5HT1B sont impliqués au niveau périphérique dans la contraction des artères et dans le fonctionnement des cellules immunocompétentes ; au niveau cérébral, ils paraissent jouer un rôle dans l'anxiété, les désordres moteurs, l'appétit, l'activité sexuelle et le comportement d'agressivité/impulsivité. Ils seraient en outre mis en jeu dans le stress et la dépendance aux substances donnant lieu à abus incluant l'alcool.

Récepteurs 5HT1D : Comme les récepteurs 5HT1B, les récepteurs 5HT1D sont impliqués dans bon nombre de fonctions et de pathologies (anxiété, dépression, migraine, désordres moteurs) mais il est encore diffcile de savoir à quel type de récepteur revient telle ou telle de ces fontions. En effet, le développement de substances sélectives pour l'un ou pour l'autre de ces récepteurs est encore limité mais donne lieu à une recherche industrielle active. L'implication des récepteurs 5HT1D dans les contractions vasculaires cérébrales et (ou) coronariennes est un sujet d'étude important dans le mécanisme d'action des antimigraineux.

Récepteurs 5HT1E et 5HT1F : Ces récepteurs identifiés par des approches de biologie moléculaire sont présents dans le cerveau et inhibent l'activité adénylcyclase mais leur rôle fonctionnel n'est pas encore élucidé.

 

Famille des récepteurs 5HT2 :

        Ces récepteurs sont préférentiellement couplés à la stimulation de la phospholipase C, donnant lieu à une augmentation des inositols triphosphates et du diacylglycérol via des protéines Gq/11. Les IP3 libèrent le Ca++ intracellulaire, le diacylglycérol active la protéine kinase C.

Récepteurs 5HT2A : Ces récepteurs sont impliqués au niveau central et périphérique. Ils contrôlent la contraction des muscles lisses, l'agrégation plaquettaire mais aussi la libération d'autres neurotransmetteurs ou neurohormones et sont impliqués dans l'activité sexuelle, le sommeil, I'activité motrice et divers désordres psychiatriques dont les hallucinations, la schizophrénie, l'anxiété et la dépression. Leur rôle dans le mécanisme d'action des nouveaux antipsychotiques apparaît important.

Récepteurs 5HT2B

Récepteurs 5HT2c: Leur expression est maximale dans le plexus choroïde où ils jouent un rôle dans les échanges entre le cerveau et le liquide céphalorachidien. Cependant, ces récepteurs sont aussi, à un moindre degré, présents dans le cerveau où ils sont associés au contrôle de l'appétit et de l'activité motrice.

 

            Famille des récepteurs 5HT3 :

            Ces récepteurs constituent la seule exception sérotonergique puisque tous les autres récepteurs 5HT sont des GPCR (récepteurs couplés aux protéines G) et que les récepteurs 5HT3 sont des récepteurs canaux permettant la translocation de Na+, K+ et Ca++ et autres cations. L'implication très nette des récepteurs 5HT3 dans le vomissement a permis de développer un très important intérêt dans les thérapies anticancéreuses en développant des produits (antagonistes 5HT3) qui permettent le contrôle du vomissement chez des patients recevant un traitement cytotoxique ou une radiothérapie.

 

            Famille des récepteurs 5HT4 :

           La connaissance des gènes codant les récepteurs de cette famille a permis d'identifier 2 sous-types selon la longueur des isoformes notamment de la chaîne C terminale. La forme courte (5HT4S) est essentiellement exprimoe dans le striatum et la forme longue (5HT4L) apparaît exprimée dans tout le cerveau. Ces récepteurs sont présents dans le tissu périphérique (cœur, vessie, surrénales et tractus digestif).

          Le système de seconds messagers associé est préférentiellement celui de l'activation de l'adénylcyclase via un couplage avec des protéines Gs. La présence des récepteurs 5HT4 dans l'intestin et en particulier dans le gros intestin plaide en faveur d'un rôle potentiel des antagonistes 5HT4 dans les pathologies intestinales (en particulier IBS) où ils apparaitraient pouvoir jouer un rôle nouveau et efffcace par rapport aux traitements existants. Leur rôle potentiel dans le traitement des désordres urinaires (incontinence) semble très prometteur.

        Au niveau central, le fait que la stimulation des récepteurs 5HT4 ait indiqué une facilitation des performances cognitives chez l'animal surtout au niveau des capacités mnésiques, laisse espérer un effet facilitateur de l'acquisition mnésique chez l'homme bien que ces effets chez l'homme ne soient pas encore décrits par exemple après administration de cisapride.

 

            Famille des récepteurs 5HT5 :

 

            Famille des récepteurs 5HT6 :

 

            Famille des récepteurs 5HT7 :

        Ces récepteurs sont mis en jeu dans les effets relexants sérotonergiques sur des fibres lisses préalablement contractées (veine fémorale, jugulaire, artère utérine humaine et aussi les muscles lisses intestinaux).

        Au niveau central la distribution des récepteurs dans le système limbique suggère un rôle potentiel dans les désordres neuropsychiatriques impliquant le système 5HT.

 

 

III/ Les effets :

                    1/ les effets périphériques :

La 5-HT peut intervenir dans de nombreuses fonctions périphériques, tantôt comme agent pharmacologique, tantôt comme messager chimique.

 

Action sur les vaisseaux :

        La sérotonine provoque soit une vasoconstriction par effet 5-HT2, en particulier des vaisseaux rénaux, soit une vasodilatation. La réponse dépendrait du tonus préalable des vaisseaux et de leur état normal ou pathologique : ainsi l'administration de sérotonine par voie intracoronaire provoque une vasodilatation quand les coronaires sont normales, et une vasoconstriction quand elles sont lésées.

        La sérotonine contracte les veines et semble favoriser les thromboses veineuses, d'autant qu'elle a également une action pro-agrégante plaquettaire. Elle augmente la perméabilité capillaire.

 

Action sur le cœur :

        La sérotonine a une action chronotrope positive par effet 5-HT4 et pourrait participer à la genèse de certains troubles du rythme cardiaque. Elle a également un effet inotrope positif.

 

Action sur la tension artérielle :

        Elle est extrêmement complexe. Selon les conditions expérimentales, on observe soit une hypotension, soit une faible hypertension, soit aucune modification.

 

Action sur les muscles lisses :

        La sérotonine entraîne des contractions de l'intestin, de l'utérus, des bronches et des uretères.

 

Action sur le tube digestif :

        La sérotonine augmente la motilité intestinale, probablement par stimulation des récepteurs 5-HT4 : chez l'homme, injectée par voie intraveineuse, elle augmente la motilité du duodénum et de l'intestin grêle. Cette action explique la diarrhée observée dans le syndrome carcinoïdien.

        La sérotonine a également un effet émétisant par stimulation des récepteurs 5-HT3. Ces récepteurs sont présents, notamment, au niveau des terminaisons vagales du tube digestif et au niveau d'une zone cérébrale, l'Area postrema (chemoreceptor trigger zone), qui est accessible à la sérotonine circulante périphérique. Leur stimulation déclenche des nausées et des vomissements, et les antagonistes 5-HT3 sont utilisés pour éviter les vomissements provoqués par certains traitements antinéoplasiques.

        Elle a une action ulcérigène, son administration à l'animal à fortes doses entraîne des ulcérations gastriques.

 

Action sur les bronches :

        Elle a une action bronchoconstrictrice; un aérosol de sérotonine donne une dyspnée.

 

Action sur l'utérus :

        La sérotonine provoque des contractions de l'utérus.

 

L’appareil circulatoire. In vivo et in vitro, la 5-HT exerce des effets chronotrope, inotrope et tonotrope positifs. Sur la pression sanguine, son effet double est appelé amphibarique: vasoconstriction des grosses artères, dilatation des petits vaisseaux.

 

La coagulation du sang. Au cours d’une hémorragie, les thrombocytes libèrent la 5-HT. Celle-ci a localement trois effets: vasoconstriction du vaisseau abîmé, blocage de l’action antithrombine de l’héparine, rétraction du caillot. La coagulation in vivo est avancée par une injection de 5-HT, alors qu’elle est retardée par un traitement à la réserpine.

 

Les réactions allergiques. Administrée en aérosol (0,5 à 1 p. 100), la 5-HT est capable de provoquer chez le cobaye un bronchospasme semblable à celui qui intervient dans le choc anaphylactique. Il s’agit là d’un effet direct de l’amine au niveau du muscle bronchique. Chez le lapin, la réaction antigène-anticorps s’accompagne d’une libération rapide de la 5-HT par les thrombocytes. Cela pourrait être l’explication de l’augmentation d’excrétion urinaire de 5-HIAA après un choc anaphylactique. Enfin, chez le rat, la 5-HT est 200 fois plus active que l’histamine pour provoquer un œdème local sous-cutané. En revanche, chez l’homme, les réactions allergiques dépendraient plus de l’histamine que de la sérotonine.

 

La fonction rénale. Le rein est pourvu de l’équipement enzymatique nécessaire à la synthèse et au catabolisme de la 5-HT. Il est donc probable que chez le rat l’effet antidiurétique de la sérotonine soit physiologique, d’autant plus qu’il peut être observé après injection sous-cutanée d’une dose extrêmement faible (4 mg/kg). Dans ce cas, l’hypovolémie consécutive au développement de l’œdème sous-cutané et la vasoconstriction de l’artériole afférente du glomérule de Malpighi entraînent la diminution du taux de filtration glomérulaire. Chez l’homme, ce rôle est discuté.

 

Les glandes endocrines. Il semble qu’une boucle de régulation intervienne entre la corticosurrénale et la 5-HT cérébrale: alors que les corticoïdes peuvent induire une activation de la tryptophane hydroxylase et, par suite, une augmentation du taux de 5-HT centrale, l’indole-amine injectée directement dans les ventricules latéraux de l’encéphale est capable de freiner la libération des corticoïdes au cours d’une laparotomie.

La thyroïde du rat contient beaucoup de 5-HT (8 mg/g). Des injections répétées de 5-HT au lapin conduisent à l’hypertrophie et à l’hyperactivité de la thyroïde. De même chez l’homme, certaines formes d’hyperthyroïdisme s’accompagnent d’une excrétion urinaire accrue de 5-HIAA.

 

La fonction sexuelle. La 5-HT semble avoir un effet inhibiteur. La déplétion de la 5-HT de l’hypothalamus peut, dans certaines conditions, avancer la phase d’œstrus. En retour, les hormones sexuelles, comme la progestérone et certains de ses dérivés, sont capables de provoquer une augmentation du taux de 5-HT dans presque toutes les aires cérébrales. Durant la grossesse, et plus spécialement au début et à la fin de celle-ci, l’excrétion urinaire de 5-HT est multipliée par 3 ou 4. En outre, la mélatonine possède des propriétés antigonadiques: l’hyperactivité pinéale va souvent de pair avec l’infantilisme sexuel.

 

        2/ les effets centraux :

Les effets de la sérotonine au niveau du système nerveux central sont nombreux et complexes, encore mal connus mais d'une importance considérable sur le plan pharmacologique car de nombreux médicaments agissent par son intermédiaire.

         La sérotonine intervient dans la régulation du sommeil, de l'humeur (action antidépressive), de la température, de l'appétit (effet anorexigène).

           Une hyperstimulation des récepteurs 5-HT2 pourrait favoriser l'apparition de certains symptômes de type productif et négatif des états psychotiques.

          La sérotonine, grâce à ses divers types de récepteurs présynaptiques et postsynaptiques, module l'activité des autres médiateurs. Elle joue un rôle déterminant dans l'adaptation.

 

Le sommeil. L’injection périphérique du 5-HTP engendre en même temps une augmentation de la teneur en 5-HT du système nerveux central et une augmentation de la durée du sommeil lent. En revanche, l’inhibition de la synthèse centrale de la 5-HT par la para-chlorophénylalanine (PCPA) entraîne une insomnie totale chez le chat. De même, la destruction des noyaux du raphé conduit à une diminution de la durée de sommeil directement proportionnelle à l’étendue de la lésion et à la baisse de 5-HT centrale. Les travaux de M. Jouvet et de ses collaborateurs démontrent que l’intégrité des systèmes sérotoninergiques est nécessaire pour l’induction du sommeil lent.

 

La thermorégulation. Chez le rat, l’hyperthermie provoquée déclenche une augmentation de l’activité des neurones sérotoninergiques centraux. Le LSD, en bloquant l’activité des neurones du raphé, empêche la thermorégulation en cas d’hyperthermie. Il semble que les systèmes sérotoninergiques, de l’hypothalamus en particulier, interviennent dans la thermolyse. Chez le lapin, la situation est inversée: c’est la thermogenèse qui est sous le contrôle des neurones sérotoninergiques.

 

La douleur. L’action analgésique de la morphine semble en partie corrélée avec une activation des neurones sérotoninergiques. En particulier, l’effet de cet alcaloïde est potentialisé par la stimulation électrique des noyaux du raphé, alors qu’il est partiellement inhibé par un traitement préalable avec la PCPA. De même, l’injection périphérique de 5-HTP entraîne une élévation du seuil de sensibilité à des stimuli nociceptifs.

         Chez le rat, la stimulation électrique répétitive des régions de la ligne médiane du tronc cérébral en particulier de la Substance Grise Péri Acqueducale (SGPA) et du noyau raphé magnus provoque une analgésie durable qui se traduit par une absence de réponse aux stimulations nociceptives : test de la plaque chauffante, pincement de la queue et stimulation nociceptive de la pulpe dentaire... 
Ces structures cérébrales sont riches en neurones sérotoninergiques (5-Hydroxytryptamine ou sérotonine) dont les axones projettent essentiellement au niveau de la moelle épinière (corne dorsale).

          Cet effet analgésique lié à l’électrostimulation des systèmes sérotoninergiques descendants est aboli lorsque la synthèse de sérotonine est inhibée pharmacologiquement par l’injection de Para Chloro Phényl Alanine (PCPA) qui bloque spécifiquement l’activité de la tryptophane hydroxylase, premier maillon enzymatique de la chaîne de biosynthèse de la sérotonine. Cette abolition de la transmission du message douloureux sous PCPA peut être réversé par l’injection du précurseur immédiat de la sérotonine, le 5-Hydroxy tryptophane. 

           D’un point de vue fonctionnel, l’analgésie obtenue par la mise en jeu des systèmes sérotoninergiques descendants peut être interprétée par différents mécanismes :

- la libération de sérotonine au niveau des terminaisons axoniques spinales peut entraîner une inhibition présynaptique de la libération de substance P au niveau des terminaisons des fibres C,

- la libération de sérotonine au niveau médullaire peut stimuler l’activité des interneurones à Leu et Met Enképhalines qui, eux mêmes, par une libération accrue de peptides entraîneront une diminution de la libération de substance P.

 

        Ces deux mécanismes peuvent contribuer de façon synergique à la diminution de libération de la substance P et par voie de conséquence au contrôle de la transmission du message douloureux au niveau médullaire.

 

L’agressivité. L’isolement de souris mâles pendant quelques semaines les rend agressives à l’égard d’autres souris. Des études préliminaires montrent que l’activité des neurones sérotoninergiques est diminuée.

 

                   3/ les maladies liées à la sérotonine :

           La sérotonine intervient dans des manifestations allergiques et inflammatoires. Elle joue un rôle important dans certaines maladies :

 

a.Syndrome carcinoïdien :

Les tumeurs des cellules entérochromaffines du tube digestif sont métastasiantes et sécrètent diverses substances, notamment une grande quantité de sérotonine. Celle-ci entraîne une diarrhée, des flushes ou poussées de vasodilatation cutanée suivies d'une vasoconstriction, une dyspnée asthmatiforme et parfois une atteinte des valvules cardiaques. Le diagnostic biologique de ces tumeurs repose sur l'augmentation de la concentration de sérotonine dans le sang et de l'excrétion de l'acide 5-hydroxy-indolacétique ou 5-HIAA dans les urines.

b.Migraine :

            La migraine est une maladie familiale caractérisée par des accès itératifs de céphalées où les phénomènes vasomoteurs et la sérotonine jouent un rôle déterminant. Dans la première phase prodromique, il y a une vasoconstriction, et dans la deuxième phase douloureuse, une vasodilatation. Cette vasodilatation est réduite par des médicaments vasoconstricteurs. Dans certains cas de migraines, on a pu noter une baisse du taux de la 5-HT plasmatique et une augmentation de l’excrétion urinaire de 5-HIAA. Les propriétés vasoactives de la 5-HT et les observations qui suggèrent une libération exagérée d’indole-amine font penser qu’elle joue une rôle dans cette maladie. L’efficacité thérapeutique du méthysergide tend à confirmer cette hypothèse.

 

c.Ischémie myocardique :

        La sérotonine libérée à partir des plaquettes semble aggraver l'ischémie myocardique par vasoconstriction.

 

d.La schizophrénie :

            Certains auteurs pensent qu’une perturbation du métabolisme central de la 5-HT pourrait être partiellement responsable de la schizophrénie. Le fait, d’une part, que les psychodysleptiques majeurs (LSD, psilocybine ou mescaline) modifient l’activité des neurones sérotoninergiques, l’observation, d’autre part, que l’excrétion urinaire du psychodysleptique mineur (bufoténine) est augmentée chez les schizophrènes le suggèrent fortement.

 

e.La maladie de Parkinson :

            Des dosages post mortem ont montré que, dans les noyaux gris de la base chez les parkinsoniens, les concentrations en dopamine et en 5-HT sont faibles. La thérapeutique qui fait appel à la L-dopa suscite parfois l’apparition de dépression aiguë. L’inhibition de la synthèse de la sérotonine par ce médicament (action directe sur la tryptophane hydroxylase, blocage de la libération des corticostéroïdes) pourrait être responsable de cet effet secondaire.

 

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